lundi 26 décembre 2011

Quatre actes pour un drame


4e de couverture: Malataverne... C'est la ferme de la mère Vintard, un coin tout au fond du vallon que le soleil ne réchauffe jamais. Avec ses ruines, on dit même que l'endroit porte malheur. Mais pour Christophe, Serge et Robert, trois garçons du village, ce nom résonne plutôt connue une sacrée aubaine : ils ont découvert où la vieille cache son magot et le lui dérober sera un jeu d'enfant. Pour les deux aînés, l'affaire est entendue, niais Robert, le plus jeune, a encore des doutes. Il n'a que quinze ans et, cette fois, il ne s'agit pas comme d'habitude de chaparder quelques fromages : c'est un crime qu'ils organisent. Et puis il a un mauvais pressentiment : rien de bon ne peut sortir de Malataverne...

Je connais Bernard Clavel depuis longtemps: je crois même que j'ai étudié un extrait d'un de ses romans au lycée. Pourtant, cela ne fait que 3 ans que j'ai découvert véritablement sa plume avec sa quadrilogie "La Grande Patience" qui comporte "La maison des autres" (mon préféré), "Celui qui voulait voir la mer", "Le coeur des vivants" et "les Fruits de l'hiver" qui reçut le Prix Goncourt en 1968 (prix mérité car c'est un roman très beau). J'ai de suite été emporté par sa plume, ses personnages, ses descriptions des paysages vosgiens. Je me suis alors promis de retrouver cette plume un jour.
L'année dernière, mon frère et ma belle soeur m'ont offert deux de ses romans (entre autres) La Révolte à deux sous et Malataverne dont je vais vous parler ici.

Ce petit roman est d'une telle force qu'on en ressort pas totalement indemne. Bernard Clavel s'est inspiré d'un faits divers survenu à Longs-le Saunier alors qu'il avait six ou sept ans: trois adolescents avaient commis un crime dans une ferme. Ce souvenir à marqué son enfance et il sert de base à "Malataverne".

Le roman se focalise sur Robert, le plus jeune des trois ados de cette histoire qui va se dérouler en un seul petit jour, dans un seul lieu, un village proche de Lyon pour déboucher sur une seule action: le plan pour dépouiller la mère Vintard de son magot. Les trois unités sont respectés pour que se joue devant nos yeux ce drame en 4 actes: oui, on pressent dès le départ que cela va mal finir. Mais on est emporté dans les Monts du Lyonnais que Bernard Clavel décrit si bien. L'auteur nous fait entrer dans la tête de Robert, ce jeune embarqué par deux plus vieux Christophe et Serge dans des combines et des vols. Quand c'est pour chaparder des fromages, pas de problème, mais dépouiller une vieille dame de son argent, c'est pas la même chanson et Robert commence à douter du bien fondé de ce plan.

Un roman magistral qui se lit comme une pièce de théâtre. C'est également un roman psychologique d'un certain côté puisqu'on suit les doutes de Robert tout au long de cette journée qui va chambouler le cours de sa vie. Bernard Clavel se sert d'une réalité pour raconter une histoire: il dit d'ailleurs dans l'interview qui se trouve au début du livre:
"il est vrai que je n'ai jamais inventé un personnage de toutes pièces. Il est vrai aussi qu'aucun de mes personnages n'a été transporté de ma vie dans mes romans sans subir d'importantes transformations. [...] En ce qui concerne Robert, Christophe et Serge, je pourrais montrer sur la photographie de groupe de ma classe les trois élèves qui m'ont servi de modèle. Bien entendu, ces garçons ne sont pas devenus des assassins. Mais il est toujours utile, quand on bâtit son histoire, d'avoir devant soi un visage et un caractère pour chaque personnage. De même Gilberte était la fille d'un fermier voisin.
Mais il faut bien comprendre une chose: les personnages de roman sont faits de chair humaine, de coeur et d'âme. Il n'est pas plus facile de les cerner que de les maîtriser.
(p.10-11).
Je peux vous assurer que tous les personnages de ce roman ont une vie propre: on s'attache à certains, on en exècre d'autres. On vibre, on tremble dans ces bois noirs, on court, on a peur: on vit au rythme de cette lecture jusqu'à la dernière ligne qui n'est qu'un commencement: que va t-il arriver à Robert et aux autres? A nous de le deviner car dès la dernière page tournée, l'histoire de Malataverne se termine. Mais on pressent qu'elle aurait pu continuer encore et encore. Certes, cela donne un goût d'inachevé au roman mais comme le dit si bien Bernard Clavel:

"En réalité, si mon livre s'arrête là où il s'arrête, c'est qu'il ne pouvait en aller autrement. J'ai tenu à rester dans le cadre du drame, à respecter l'unité d'action, de temps et de lieu. C'est une règle à laquelle je crois beaucoup. Ce qui se passe ensuite n'est plus du ressort de l'auteur de Malataverne. Ça ne pourrait être que le sujet d'un autre livre." (p.14).

Que dire de plus après ça?

Si vous n'avez pas encore lu la plume de Bernard Clavel, je vous encourage à sauter le pas et pourquoi pas avec ce petit roman qui interpelle et nous dresse le portrait d'un jeune en pleine confusion. Saisissant!

Bernard Clavel: Malataverne, Pocket, 188 pages, 1960




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