jeudi 26 janvier 2012

"Être prof, c'est être quitté tous les ans, et faire avec."


4e de couverture: « Je vous ai accordé une salle. Une salle, vous savez, ça n'a pas de prix. C'est la 229, bâtiment G. G229. Allez chercher la clé chez la concierge. Bon, je crois que cet entretien est terminé. Nous nous croiserons souvent désormais. Bienvenue ici. » Je remercie le proviseur, mais il ne m'écoute déjà plus. Un proviseur, ça a beaucoup de choses à penser. Un prof, non. Un prof, ça ne pense qu'à une chose, ses classes. Puis soudain, il est de nouveau là, présent. Il me fixe. Il dit : « Le plus dur, dans le métier, vous savez, c'est de manier le on et le je. » Je réponds que euh, je ne suis pas sûr de comprendre. « C'est une institution, l'école. Vous entrez dans un bulldozer. Il faut arriver à en devenir membre sans perdre son individualité. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit, vous verrez. Le on et le je. Réfléchissez-y. Bonne chance ! »

L'année vient de commencer depuis quelques semaines et je retrouve déjà la plume de Jean-Philippe Blondel. C'est qu'elle m'avait manquée cette plume légère, tendre, poétique mais tellement vraie.
Dans ce roman autobiographique, Monsieur B., comme il se fait appeler dans le roman, comme un témoin anonyme qui nous livre sa vision du lycée, revient sur ses années d'enseignant. Je peux vous dire que ça fait un bien fou de lire un livre sur ce sujet sans qu'il soit négatif ni pathos. Enfin, un prof qui aime être prof et qui le dit. Je commençais à désespérer d'en trouver un, un jour, car tous ceux qu'on nous montre à la télé dans des reportages ou sur des plateaux, sont tellement négatifs, à la limite du pétage de plomb qu'on a l'impression qu'il ne fait pas bon être prof de nos jours. Attention, G 229, ce n'est pas non plus le pays des Bisounours, faut pas exagérer mais, même si des moments sont difficiles, le narrateur, ne garde que le positif en tête.

J'ai beaucoup aimé l'alternance des "on" et des "je". Monsieur B. nous parle de son expérience par des souvenirs propres comme cette femme qui vient le voir en réunion parents-profs et qui pose sa main sur son bras. Il veut lui parler des difficultés de son fils Mathieu à l'école et elle lui confie la terrible vérité: elle va bientôt mourir: "Au printemps, [elle] ne sera plus là". Tout ce qu'elle veut, c'est qu'on soutienne son fils dans la mesure du possible dans cette épreuve. Peu importe le travail qu'il fournit.
Quand j'ai lu ce moment là, j'ai eu une boule dans la gorge et je me suis demandé comment j'aurai réagi face à cette "confession".
Puis il y a tous les passages en "on" qui nous parle de la vie au lycée de manière générale. On rit, on s'engueule, on lit, on voyage également (ces fameux voyages pédagogiques en Angleterre qui m'ont bien fait rire et rappelé de bon souvenirs même si moi, je ne suis pas allé en Angleterre mais en Allemagne. Peu importe le pays, les souvenirs sont très proches).

En lisant ce livre, j'ai fait un voyage temporel vers mes propres années lycée: à chaque chapitre, j'avais un souvenir précis de mon expérience scolaire en tant qu'élève. Ce voyage nostalgique m'a fait un bien fou. Je me suis revu en cours de langue, dans la cour de récré. Mais le plus avec ce livre, c'est que j'ai enfin découvert cet endroit secret: la salle des profs que je n'ai connu que de brefs instants quand je devais déposer un devoir ou autre dans le casier d'un prof.
En fait, si vous voulez tout savoir, j'ai eu envie à certains moments de redevenir élève. Alors que je n'avais qu'une hâte, à l'époque: ne plus l'être. Mais je me rends compte à présent qu'il y avait de l'insouciance à être élève: je n’avais pas toutes les responsabilités qui incombe à un adulte. Mais bon, c'est le côté nostalgique qui parle.

En conclusion, je remercie donc Jean-Philippe Blondel de m'avoir invité dans sa salle pour me faire partager la vie de ce théâtre de poche qui sonne si vrai à nos oreilles et nous fait ouvrir notre propre boîte à souvenirs. Je vous assure qu'en lisant ce roman, on se réconcilie avec l'école et on se dit que tout compte fait, le lycée, c'était pas si mal.

Jean-Philippe Blondel: G229, Buchet-Chastel, 240 pages, 2011

6 commentaires:

  1. Moi, l'enseignement, je suis encore en plein de-dans, quand je lis, j'en sors...A garder pour les années encore lointaines de ma retraite!

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  2. Bon je n'ai lu qu'en diagonale puisque je compte bien le lire aussi mais je rebondis sur ton premier paragraphe. J'ai souvent l'impression quand je parle que je "kiffe la vibe" avec mes élèves on me regarde comme si je mentais! Alors oui je pense que je suis aussi souvent quand je sors de certains cours à la limite du pétage de plomb (et parfois je les pète) mais globalement il y a aussi beaucoup de positifs, des jours ou des heures où tu te dis oui, je suis bien là et je fais ça pour quelque chose. Fin bref :) tout n'est pas tout noir en somme. Et vive mes choupis de 6e et de 5e, et même les 4e même s'ils sont chiants parfois et qu'ils bossent pas! (bon j'irais pas jusqu'à dire vive les 3e quand même ^^ )
    oui oui je suis HS :) Bonne fin de journée Will!

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  3. C'est un beau livre un brin nostalgique et qui peut parler à tout le monde vu qu'on a au moins été élève (à défaut d'être parent ou prof !). Je garde un excellent souvenir de mes années au lycée ... je les ai beaucoup appréciées mais j'ai aussi aimé devenir indépendante financièrement ;)

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  4. @Tiphanie: Ben voilà, tu es un autre exemple que tout n'est pas si noir dans l'enseignement. En fait, ce premier paragraphe est un peu une critique à la télé qui nous montre le plus souvent le malaise dans l'enseignement plutôt de nous montrer les côtés positifs. Et tu es complètement dans le sujet, ne t'inquiètes pas.
    @Joelle: J'ai également aimé être indépendant financièrement, cela va de soi.

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  5. Sur tes recommandations je l'ai enfin lu. Et j'ai bien aimé. Beaucoup de nostalgie et de philosophie sur le sens de la vie, avec des références années 80 qui me parlent. Merci pour ton conseil.

    Rachid d'OVS

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  6. @Rachid: Je suis content que tu ai bien aimé: cela veut dire que je peux être de bon conseil.

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