jeudi 28 août 2014

La vie rêvée des gens heureux

4e de couverture: Salué par une critique enthousiaste, nommé pour le Giller Prize, le Goncourt canadien, un roman mordant, audacieux, qui n'hésite pas à bousculer les idées reçues sur le couple, le rôle de la femme et l'instinct maternel.

James et Ana ont passé des années à tenter l'impossible pour avoir un enfant, avant de se résigner. Alors que James reporte son affection sur Finn, son filleul de trois ans, Ana, elle, se noie dans le travail.
Et puis, un jour, le choc : les parents de Finn ont un terrible accident de voiture.
Du jour au lendemain, James et Ana deviennent les tuteurs du petit garçon.
Si James s'improvise instantanément père dévoué, les sentiments d'Ana sont beaucoup plus ambivalents. Comment faire une place à Finn tout en préservant son couple ? Comment créer l'intimité avec cet enfant qui n'est pas le sien ? Comment concilier devoir maternel et désir d'accomplissement personnel? Les femmes ne peuvent-elles se réaliser que dans la maternité ?


Comment réagiriez vous si on vous annonçait qu'un couple d'amis vous avaient choisi comme tuteurs de leur enfant en cas de malheur? Que ce couple allait avoir un accident de voiture et que vous deviez vous occuper de leur petit garçon quasi orphelin? 

Voilà le point de départ de ce roman percutant et bouleversant. 
En voyant les prochaines parutions des éditions Belfond, il y a quelques mois, je n'avais pas porté mon attention sur ce livre, la couverture ne  me donnant pas l'envie d'en savoir plus. Oui, mais voilà, c'était sans compter sur Brigitte, qui commence à bien me connaître et qui se doutait que ce roman pouvait me plaire. Elle me l'a donc envoyé,fin mai et j'avais été intrigué par la 4e de couverture. 

Je peux vous dire que j'espérais beaucoup de ce roman...a tel point que mon plaisir aurait pu être gâché devant tant d'attente. 
Heureusement, ce ne fut pas le cas. Ce livre est un roman qui vous prend aux tripes, qui vous happe pour ne plus vous lâcher avant la fin. 
Déjà, la première scène n'est pas banale puisqu'elle se passe à la morgue, James étant chargé de reconnaître le corps de son ami Marcus. Ce point de départ va être le moment qui va faire basculer ce couple (Ana et James) en apparence, sans histoire, vers le chaos (oui, rien de moins). 
Ana et James ont tout fait pour avoir un enfant, sans succès: ils sont stériles. Mais voilà que le destin met sur leur route, Finn, le petit bambin de 2 ans, de Sarah et Marcus, un couple d'amis, qui ont fait d'Ana et de James, les tuteurs de l'enfant, au cas où ils ne seraient plus là. (Marcus meurt dans l'accident et Sarah se retrouve dans le coma (un mince espoir que Finn ne soit pas totalement orphelin)). Devant cette responsabilité, Ana et James ne vont pas réagir de la même manière: James va devenir un père de substitution pour le petit garçon tandis qu'Ana va être complètement détachée de lui, ne sentant pas cette fibre maternelle que toute femme devrait avoir, selon la société. 

Voilà le point fort de ce roman psychologique. Katrina Onstad a eu la formidable idée d'inverser les rôles: on sent Ana complètement désemparée devant ce petit garçon qu'elle n'arrive pas à aimer: elle se sent démunie face à lui, ne trouvant pas les bons gestes affectueux et autres que toute femme devrait avoir, normalement. En revanche, James a de l'affection, les bons gestes envers le petit garçon,  et fait tout pour devenir un père pour le petit Finn. 
Par petites touches, et avec l'aide de flashbacks qui nous en apprennent plus sur le passé d'Ana (pas très reluisant, son  père les a abandonné, elle et sa mère,  et elle a vécue seule avec une mère alcoolique) et de James, Katrina Onstad nous montre la chute inéluctable d'un couple. L'arrivée de Finn va être comme une "bombe a retardement" qui va être le déclencheur de questionnements: Ana et James ne vont plus se comprendre et vont s'éloigner peu à peu. 

Bizarrement, je me suis senti proche d'Ana: cette femme forte, qui gère sa carrière de juriste de main de maître, se sent complètement dépassée devant ce petit bout de chou. Surtout, elle lance un pavé dans la mare (qui va faire grincer les dents de certains mais surtout de certaines, je pense): devant cette nouvelle situation, elle se rend compte que tous les efforts qu'elle a consenti pour avoir un enfant (tous les examens qu'elle a subi avant de savoir qu'elle était stérile), elle les a fait plus pour son mari que pour elle. Elle s'aperçoit au contact du petit Finn qu'elle ne VEUT pas être mère, qu'elle ne se sent pas le courage d'assumer cette responsabilité. 
Katrina Onstad, dans son roman, ose dire, par l'intermédiaire d'Ana, qu'une femme ne se réalise pas seulement en étant mère. La maternité n'est pas une finalité de la vie d'une femme. Il y a un dialogue du roman qui m'a frappé en plein visage, mais qui est criant de vérité. 
Lors d'une dispute, Ana avoue à James qu'elle ne voulait pas d'enfant. Et elle prononce ces phrases: 

"Quand on est une femme, poursuivit Ana, on ne peut pas dire cela à voix haute. Le savais tu? On n'a pas le droit de le dire...
[...]
Parce que ça fait de vous un monstre. Ne pas vouloir être mère, c'est quelque chose de monstrueux pour une femme. De grotesque. (p.315)

Ana énonce juste dans cette phrase tout ce que la société nous inculque en nous disant que c'est la seule vérité qui prévaut. Mais une femme a tout à fait le droit de ne pas vouloir d'enfant. Cela ne fait pas d'elle une paria. Une femme est libre de ces choix et je ne vois pas en quoi cela fait d'elle une pestiférée quand elle affirme qu'elle ne veut pas d'enfant. L'instinct maternel ne se commande pas. Personne n'a le droit de mal juger une femme et de la regarder comme si elle n'était pas normale, car elle fait ce choix. 

Je me suis senti très proche d'elle, car je suis dans le même cas (sauf que je suis un homme donc on ne me regarde pas comme un extraterrestre quand j'affirme ne pas vouloir d'enfant). Je ne me vois pas être père, même si j'aime bien les enfants. D'ailleurs, j'ai été conquis pas Finn, qui est mon personnage préféré du roman. Ce petit bout de chou est un formidable petit garçon, plein d'esprit pour son âge et qui,malheureusement vit un drame dès son plus jeune âge. 

Voilà un roman percutant qui nous fait nous poser des questions: ces questions que j'ai noté au début de mon billet  et que je me suis posé tout au long de ma lecture. Un roman bouleversant avec des personnages qui ont une consistance et dans lesquels on se retrouve tous.Un roman passionnant qui nous tient tout de même en haleine (je me suis demandé comment tout cela allait se terminer, (même si j'avais deviné un élément qui va changer la donne avant de le lire, cela ne m'a pas gâché ma lecture, car j’espérais que cela se produise, en ne sachant pas que l'auteur allait le mettre en place.)
Un petit bravo à la traductrice (ou à l'éditeur français car je ne sais pas qui choisi les titres des livres) pour ce titre ("La vie rêvée des gens heureux") que je trouve très ironique...mais au final fort bien choisi. 

Un roman qui ne nous laisse pas indifférent et qui nous met un coup de poing dans le coeur et dans l'esprit. Un roman qui bouscule nos convictions et donne un coup de pied dans la fourmilière et ça fait du bien de temps en temps. 

Merci à Brigitte et aux  Editions Belfond d'avoir su que ce livre allait me plaire. 



Katrina Onstad: La vie rêvée des gens heureux, (Everybody has everything), Belfond, 350 pages, 2014


2 commentaires:

  1. C'est un thème intéressant, ton billet donne envie d'en découvrir davantage. ça m'étonne toujours qu'à notre époque les personnes qui ne veulent aps d'enfants soient vues comme des espères d'extra-terrestres. Peut-être qu'un jour j'aurais des enfants (ou un) mais pour le moment je n'imagine pas du tout ma vie avec un enfant, j'ai envie de vire pour moi, pour mon couple, de profiter, de voyager, d'aller au cinéma ou au resto quand j'en ai envie ... Et quand je dis ça, et bien on me dit que je suis trop égoïste ...

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    1. C'est quand même hallucinant d'entendre cela encore à notre époque. Il faudrait que les mentalités évoluent. En tout cas, je ne te trouve pas égoïste du tout. Tu as un comportement tout a fait normal.
      Bref. Je pense que ce roman pourrait en effet, te plaire.

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