jeudi 17 août 2017

Rentrée littéraire #1: "L'embaumeur" ou l'odieuse confession de Victor Renard

4e de couverture: " Pute borgnesse ! "
Victor Renard n'eut jamais de chance avec les femmes. À commencer par sa mère, l'épouvantable Pâqueline, qui lui reprochait d'être venu au monde en étranglant son frère jumeau de son cordon ombilical. Puis ce fut Angélique, la prostituée, qui se moquait des déclarations enflammées de Victor et de sa difformité, comme de sa " demi-molle ".
Victor échappe pourtant à sa condition misérable : il devient embaumeur. Avec les cadavres, au moins, le voilà reconnu. Et en ces temps troublés, quelle meilleure situation ? Les morts, après la Révolution, ne manquent pas dans Paris...
Mais le sort le rattrape et l'épingle, comme le papillon sur l'étaloir. Face à ses juges et à la menace de la guillotine, Victor révèle tout : ses penchants amoureux, les pratiques millénaires de la médecine des morts, le commerce des organes et les secrets de sa fortune.
Où l'on découvrira que certains tableaux de nos musées sont peints avec le sang des rois de France...


Première belle surprise de la rentrée littéraire  que le nouveau roman d'Isabelle Duqesnoy! Que dis je une surprise. Une petite merveille! 

Isabelle Duqesnoy nous offre dans ce roman qu'elle a mis dix ans à écrire, la confession d'un personnage hors norme: Victor Renard. Celui ci ressemble beaucoup aux personnages dickensiens comme Oliver Twist ou David Copperfield. Un garçon malmené par la vie, né dans une famille qui le déteste et à qui il le rend bien.
La force de ce roman est la construction du récit: le livre commence par Victor qui se retrouve devant ses juges et qui leur livre la confession de sa vie, pas si brillante, et qui l'a mené devant ce tribunal. Ainsi, l'auteure laisse planer une question qui ne trouvera sa réponse que dans les dernières pages du livre, maintenant ainsi un suspense et toutes les suppositions que le lecteur as: qu'à fait Victor Renard de si répréhensible pour être condamné à la guillotine?

Comme une pelote de laine que l'on déroule, Victor Renard va nous raconter sa vie: de sa naissance dans cette famille pauvre (son père joue de la musique lors des messes et sa mère fait de la couture) qui vit la mort de son jumeau, par sa faute puisque c'est son cordon ombilical qui l'a étouffé dans le ventre de leur mère, jusqu'à son apprentissage du métier d'embaumeur qui fit sa gloire jusqu'au procès qui ouvre le livre. 

J'ai beaucoup aimé ce roman: il allie roman d'aventures (même si celles ci ne se déroule que dans les rues de Paris, pas besoin d'aller loin pour vivre d'innombrables choses), roman historique (on se retrouve plongé dans le Paris d'après la révolution, dans cette fin du XVIIIe siècle qui vit tant de bouleversements), mais aussi roman d'apprentissage (la découverte d'un métier "Embaumeur" que Victor apprend auprès du bon M. Joulia et qui va changer sa vie) avec tous les codes du roman à suspense. 

En lisant ce livre, j'ai appris beaucoup de choses sur le métier d'embaumeur, avec force détails, il est vrai parfois pas très réjouissant à lire et qui nous fait faire la grimace...mais surtout, j'ai appris que certains peintres se servaient des coeurs momifiés pour certaines de leurs peintures, et parfois des coeurs de rois. . 

Les personnages du livressont truculents à commencer par Victor Renard, qui malgré sa difformité et sa condition va découvrir un métier qui changera sa vie et le fera monter dans l'échelle sociale: ce narrateur à une gouaille bienvenue qui donne du rythme et un côté bravache à son récit, surtout quand il houspille son auditoire, qui l'écoute lors de sa confession devant les juges. J'ai aimé suivre ce personnage qui se bat contre l'adversité et contre sa mère, La Paqueline, cet être abject qui l'a toujours détesté: la haine qui transpire en elle envers son fils est abominable et m'a fait la détester. Deux autres personnages féminins vont traverser ce roman: Angélique et Judith. Angélique, que Victor rencontre alors qu'il travaille à la Pâtisserie (aujourd'hui, on dirait la Boucherie) de son oncle et de qui il tombe amoureux: une jeune prostituée qui va demander à Victor d'être son chevalier servant. C'est ainsi qu'il va se trouver à travailler chez M. Joulia  l'embaumeur, pour pouvoir subvenir aux besoins matériel de cette jeune prostituée. Puis il y a Judith, la soeur de son ami Franz, qu'il épousera pour sa dot car il a un besoin d'argent urgent. Judith est une femme douce et fragile, un peu idiote, qui aime Victor, et qui fera tout pour se faire aimer de lui. 
Victor va ainsi balancer entre ces deux femmes. Chacune montrera progressivement son vrai visage. 

Voilà ce que j'ai aimé dans ce roman: les surprises se trouvent à chaque page, et ce, jusqu'à la fin du roman. L'auteure sait ménager son suspense jusqu'à une fin qui m'a laissé pantois, car je ne m'y attendais pas. 

Au final, un roman d'une grande intensité, sur un métier peu vu en littérature, dans une période trouble de l'histoire (l'après révolution) avec un personnage truculent et sympathique qui se retrouve sur le banc des accusés pour un crime qu'il a bien commis (mais le lecteur ne sait pas lequel et sera surpris quand il apprendra la nature de ce crime) et qui nous livre sa vie dans une confession mémorable. Un roman admirable, avec une écriture ciselée au cordeau qui vous happe dès les premières lignes pour ne plus vous lâcher avant la fin. Probablement, un roman qui va faire du bruit en cette rentrée littéraire...en tout cas je l'espère car il le mérite amplement. 
Je vous le conseille vivement. 

Merci aux Editions de la Martinière pour cette superbe découverte. 

Isabelle Duquesnoy: L'embaumeur ou l'odieuse confession de Victor Renard", Editions de la Martinière, 526 pages, 2017


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