lundi 15 janvier 2018

Sous les serpents du ciel

4e de couverture: Un jour d’automne, au milieu du XXIe siècle, dans une vieille ville anonyme, quelque part entre la mer et le désert. Les premiers pans du grand barrage qui coupe en deux les Îles du Levant se fissurent. Le jour de la chute du mur, quatre hommes prennent la parole à tour de rôle et imaginent le futur.
Mais leur passé les rattrape car tous se souviennent de la mort de Walid, un adolescent qui, vingt ans auparavant, faisait voler son cerf-volant au-dessus de la frontière lorsqu’il fut pulvérisé par un drone ou une roquette, dans des conditions mal élucidées. Qui était-il réellement ? Qui l’a tué ? Pourquoi est-il mort ?
Chacun, selon son point de vue, raconte l’histoire de ce jeune révolté. Mais la voix de Walid se mêle peu à peu à celle des quatre narrateurs, pour dire le vrai sens de sa révolte. Des voix de femmes l’accompagnent dans cette quête, chantant la tristesse et la beauté d’une terre écartelée, où les hommes n’ont jamais fait que promettre la guerre et profaner la paix.
Dans ce roman d’anticipation aux accents d’épopée contemporaine, Emmanuel Ruben explore de nouveau la frontière de l’Occident et malmène la géographie réelle pour nous proposer une vision renouvelée d'une Histoire qui n'en finit pas de renaître.

Comment vais je vous parler de ce roman? Pas si simple en effet.Il ne me laisse pas indifférent, loin de là  mais vais je trouver les bons mots sur mon ressenti. Allez, je me lance. 

Comme les autres romans lu en ce début d'année 2018, je me suis lancé dans la lecture de ce livre, sans lire la quatrième de couverture. C'est alors que je me suis embarqué dans une histoire complètement déconcertante. 

Plusieurs voix vont se faire entendre et se croiser dans ce roman, (quatre voix en tout: Daniel, un moine qui a perdu la foi, Mike, un soldat chargé de la surveillance du cheickpoint 119 et qui va se retrouver face à la révolte des femmes et des enfants venus faire chuter le grand barrage qui sépare le monde en deux, Djibril, un "Border Angels" (sorte de yamakasi) qui défit l'autorité et Samuel, un agent de l'ONU, qui s'occupe de redessiner  la cartographie du monde. 
Tous ont un point commun: Walid, jeune garçon de 15 ans, mort, il y a 20 ans, au bas du grand barrage, tout ça pour un cerf volant de sa fabrication,qu'il faisait voler. C'est ce jour anniversaire de la mort de cet adolescent, devenu un martyr pour la population, que cette dernière a décidé d'agir afin de faire tomber le mur. Tous les personnages de ce roman, ayant connu Walid (Daniel l'a croisé quand il était au monastère) Mike serait l'initiateur de l'attaque qui coûta la vie au jeune garçon, Djibril était le cousin de Walid, et Samuel donnait des vieilles cartes à Walid, que ce dernier transformait en cerf-volants. 

A leur manière, chacun va raconter la vie de cet adolescent, et en  même temps l'auteur nous raconte   la révolte des femmes qui se met en place. Tout ça mis en scène et écrit d'une manière fort belle et poétique par Emmanuel Ruben. Oui, mais voilà qu'un retournement de situation vient tout faire basculer: avant la fin de la première partie: Walid se manifeste pour donner sa vision des choses, comme si celui ci avait une vie propre et prenait le contrôle du roman, au grand dam de l'auteur. J'ai trouvé cela très fort de la part d'Emmanuel Ruben: nous montrer que ses personnages, et en particulier Walid, avait une âme et une vie propre et qu'il n'était pas seulement  personnages de papier. 

C'est aussi en cela que je trouve ce roman déconcertant: dans sa forme, dans ses choix, mais aussi dans son écriture que j'ai trouvé des plus magnifiques: il se dégage une telle poésie dans ce monde pas si futuriste que cela, car, par le biais de l'anticipation, Emmanuel Ruben parle des maux de notre société actuelle: la surveillance des drones, le terrorisme et la peur qui s'insinue, les inégalités entre les peuples (ici, signifié par ce grand barrage de béton qui sépare le monde en deux (et qui rappelle fortement, le Mur de Berlin ou celui de l'Atlantique et plus proche de nous: ce fameux mur que Trump veut faire ériger à la frontière du Mexique) mais ici à échelle mondiale). Emmanuel Ruben redessine notre monde et lui donne une image qui pourrait s'avérer réelle dans quelques années si on n'y prend pas garde. 

Un roman qui sort de l'ordinaire et très original, dans la forme et le fond, qui bouscule, interroge et déconcerte (c'est vraiment le mot qui ressort) avec une intrigue maîtrisée jusqu'au bout et qui emmène le lecteur vers des chemins sinueux dont le point central est un adolescent de 15 ans, qui fabriquait des cerf-volants et s'inventait un archipel juste pour l'amour de Nida, sa cousine. 

Une belle découverte qui m'a beaucoup surprise et dont j'ai vraiment du mal à retranscrire mon ressenti, tellement il m'a décontenancé. Un roman français qui sort des sentiers battus et qui nous interroge sur notre monde actuel, qui part à la dérive. 

Emmanuel Ruben: Sous les serpents du ciel, Rivages, 317 pages, 2017

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire